
En ce début d’année 2021, la pression des fonds activistes est forte pour évincer le PDG de Danone, Emmanuel Faber, à qui l’on reproche une rentabilité insuffisante. Emmanuel Faber s’était positionné pour un modèle d’entreprise responsable tant au niveau social qu’environnemental.
Les fonds d’investissement peuvent-ils être un frein à la transition écologique des entreprises ? Ont-ils leur part de responsabilité quant à l’inaction face au réchauffement climatique ?
Qu’est-ce que les fonds activistes ?
Il s’agit de fonds d’investissement qui deviennent actionnaires minoritaires de sociétés cotées qu’ils jugent mal gérées, puis font pression publiquement sur les administrateurs pour qu’ils changent de stratégie et/ou de gouvernance. En général, ils réclament une stratégie plus orientée vers les profits de court terme. Le but pour eux est d’obtenir une amélioration du cours de l’action en bourse, et de maximiser ainsi les rendements financiers. Ils ne restent jamais longtemps au capital des entreprises ciblées et revendent après avoir atteint (ou pas) leurs objectifs. Ils sont aussi appelés « fonds vautours », même si parfois, pour améliorer leur image, ils invitent les entreprises dont ils sont actionnaires à afficher un peu plus de protection de l’environnement.
Le cas Danone
PDG de Danone depuis 2017, Emmanuel Faber a des convictions sociales et humanistes fortes. Martin Hirsch disait par exemple de lui : « D’autres patrons font du social, mais aucun n’intègre autant le social au modèle de l’entreprise » (cf article du Monde du 12 février 2021). Danone est l’entreprise du CAC 40 la plus orientée RSE et la première à avoir adopté le statut d’« entreprise à mission ».
Lors de dernière Assemblée générale de Danone, Emmanuel Faber a déclaré : « Les décennies de croissance économique auront épuisé les ressources de la planète avant d’étancher notre soif de posséder, notre modèle de production-consommation nous ayant entraînés dans une économie de l “avoir” plutôt que de l “être” », avec pour conséquence « l’insoutenable concentration de la richesse dans le monde, véritable bombe à retardement. »
En 2020, Emmanuel Faber a décidé d’investir deux milliards d’euros sur trois ans dans un plan Climat pour « transformer en profondeur notre agriculture, notre consommation d’énergie, notre production, nos emballages ». Ces déclarations lui ont valu beaucoup de critiques de la part des milieux financiers. Et sous la pression des actionnaires, il a été contraint depuis plusieurs mois de rééquilibrer la stratégie et de restructurer l’organisation.
Le 18 janvier, un fonds activiste basé à Londres et actionnaire depuis fin 2020 — Bluebell Capital — écrit au Conseil d’administration de Danone pour demander des changements et incriminer l’action d’Emmanuel Faber, considérant que « sous l’action de M. Faber, le groupe n’a pas géré au mieux le bon équilibre entre le retour de valeur pour les actionnaires et le développement durable ».
Le 11 février, un autre fonds (américain cette fois-ci), Artisan Partners, lui aussi très récent au capital de Danone, écrit à des administrateurs de l’entreprise et réclame des changements à sa tête. Selon ce fonds, « les performances financières sont insuffisantes et doivent êtes sensiblement améliorées ».
Début mars, le Conseil d’Administration de Danone a en partie cédé aux pressions des fonds activistes : E Faber reste Président, mais n’est plus Directeur général. Les fonds réclament néanmoins toujours le départ définitif de E. Faber qui risque ainsi de subir le même sort qu’Isabelle Kocher chez Engie en 2020.
Engie et Isabelle Kocher
Isabelle Kocher a été nommée en 2016 à la tête d’Engie, et s’est lancée très vite et fort dans la transition énergétique. En 3 ans, elle a arrêté l’activité charbon, s’est donné comme objectif de décarboner l’entreprise rapidement, et s’est lancée massivement dans les énergies renouvelables.
En février 2020, elle a été contrainte à la démission en raison de désaccords stratégiques avec le Conseil d’Administration. Engie a depuis revu ses objectifs de rentabilité à la hausse, a relancé ses activités dans le gaz et a stoppé plusieurs réformes initiées par Isabelle Kocher.
Un certain nombre de leaders d’opinions avaient publiquement soutenu Isabelle Kocher (Y.Jadot, A.Hidalgo, P.Canfin, C.Villani, X.Bertrand), sans succès. Sa mise à l’écart s’est faite avec l’appui tacite du gouvernement français. En effet, l’État français, qui est de loin le plus gros actionnaire (24,6 %, auxquels s’ajoutent les 4,6 % de la Caisse des dépôts) aurait pu facilement demander le maintien d’Isabelle Kocher à la tête d’Engie, mais ne s’est pas opposé à sa mise à l’écart.
La position de la commission économie, social et services publics d’Europe Écologie les Verts
Nous dénonçons les méfaits et les outrances du capitalisme financier à l’œuvre dans les grandes entreprises françaises.
Aujourd’hui, les fonds activistes anglo-saxons critiquent la gestion de Danone dont le PDG ambitionne de poursuivre d’autres objectifs que le seul profit à court terme. Ces fonds exigent ouvertement le retour à une stratégie rééquilibrée vers plus de profit.
Nous relevons que Danone a été la première entreprise cotée à se doter du statut d’« entreprise à mission » (tel que défini dans la loi PACTE) et n’a donc pas pour « mission » la recherche immédiate du profit à court terme. Cela souligne l’outrance des fonds activistes tout autant que l’inefficacité de la loi PACTE du gouvernement Macron, véritable poudre aux yeux.
Le libéralisme d’Emmanuel Macron est celui du « renard libre dans le poulailler libre », comme l’a montré en 2020, son appui tacite à l’éviction d’Isabelle Kocher de la direction de Engie, qui était pourtant la seule femme à la tête d’une entreprise du CAC 40 qui avait eu le courage d’engager son groupe dans des activités moins polluantes, au risque de faire baisser ses résultats financiers à court terme.
Il est temps de mettre fin au pouvoir de nuisance des fonds activistes envers la transition écologique !