Retrouvez ci-dessous le texte de la motion adoptée lors du conseil fédéral des 13 et 14 avril 2024
Résumé
Lors de sa déclaration de politique générale du 30 janvier 2024, Gabriel Attal a annoncé le lancement d’une expérimentation dans les ministères “non pas de la semaine de 4 jours, mais de la semaine en 4 jours”. Or, cette disposition ne constituerait pas un réel progrès social.
La réduction du temps de travail est un engagement de longue date des écologistes. Il est donc essentiel pour notre mouvement d’affirmer notre position en faveur d’une semaine de travail de 32h en 4 jours et d’œuvrer pour sa mise en place.
En 1936, les travailleur·euses français·e·s ont obtenu non sans mal les 40h de travail hebdomadaire. En 1998, les 35h ont été une avancée sociale importante. Aujourd’hui, la semaine de 4 jours pourrait être celle de cette décennie.
Exposé des motifs
1/- Un projet de société
Contrairement à la “valeur travail” qui s’inscrit dans une vision productiviste, la semaine de 4 jours se place dans une démarche de réduction du travail contraint dans nos vies, défini par le Collectif “Travailler Moins” comme le travail visant essentiellement à obtenir un revenu. Des initiatives comme le “dé-travail” nous invitent à repenser notre modèle économique qui place le travail au centre de nos existences. De nombreux pionniers de l’écologie politique en France comme le philosophe André Gorz ou encore René Dumont ont préconisé cette réduction du temps de travail dès les années 1970.
L’horizon de décroissance de la production, indissociable de notre projet d’écologie politique, comprend une décroissance nécessaire du temps de travail. Ce d’autant plus que nos sociétés se dotent d’outils de plus en plus nombreux de “gains de productivité” tels que l’intelligence artificielle et la robotisation.
Dans un monde fini, nous sommes amenés à nous interroger sur le projet de société que nous portons : est-ce celui de remplir le temps gagné par encore plus de production ou choisissons-nous de nous donner plus temps avec nos proches, du temps de loisirs ou d’engagement citoyen·ne·s ?
2/- Une avancée sociale importante
Cette mesure concrète représenterait une avancée sociale majeure. Les études montrent que des horaires de travail plus courts mènent à une réduction du stress et à une meilleure qualité de vie psychologique. Une diminution des coûts associés à l’anxiété, au surmenage professionnel mais aussi aux accidents du travail pourrait être bénéfique pour notre système de soins en tension. En effet, un programme pilote effectué auprès de 61 entreprises au Royaume-Uni de juin à décembre 2022, le plus grand jamais réalisé, a montré des résultats probants :
- 92 % des entreprises ont décidé de continuer à mettre en place la semaine de 32h en 4 jours.
- Le stress et l’épuisement professionnel ont tous deux diminué de manière significative avec 71 % des employé·e·s signalant des niveaux d’épuisement professionnel inférieurs.
- Il y a eu une réduction de 65 % du nombre de jours d’arrêt maladie.
- Le chiffre d’affaires des entreprises est resté globalement stable, augmentant de 1,4 % en moyenne.
En France, lorsque la société informatique LDLC a instauré la semaine de 32h en 4 jours, l’absentéisme et les accidents du travail ont diminué de 50 %. En effet, avec une période de temps plus courte, les travailleur·euses sont souvent plus concentrés.
Une semaine de 4 jours permet aussi aux employé·e·s de consacrer davantage de temps à leur famille, à leurs ami·e·s, à leurs loisirs, au militantisme, au bénévolat ou au repos. Cela favorise un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, améliorant ainsi le bien-être général. Le développement du temps libre permis par cette mesure porte une dimension émancipatrice pour les travailleur·euses, au service d’un mieux vivre sur tous les plans.
3/- Un impact positif pour la planète
La mise en place de la semaine de 4 jours à l’échelle nationale pourrait avoir un réel impact pour notre planète. Lors de la pandémie de Covid-19, la baisse de l’activité économique s’est traduite par une réduction significative des émissions de carbone, les émissions quotidiennes mondiales ayant chuté de 17 % en 2020, selon une étude publiée dans Nature.
Pour l’économiste Aurélie Piet, travailler moins, c’est polluer moins. En effet, cela permet souvent de réduire les déplacements, l’utilisation de l’éclairage des bureaux, des ascenseurs, du chauffage, de la climatisation ou d’équipements à forte consommation d’énergie. Selon l’organisation britannique “The 4 Day Week Campaign”, la semaine de 4 jours pourrait réduire l’empreinte carbone du Royaume-Uni de 127 millions de tonnes par an, ce qui équivaut à retirer de la circulation 27 millions de voitures, soit l’ensemble du parc automobile privé britannique.
4/- Une amélioration pour l’égalité femmes-hommes
Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), les femmes consacrent en moyenne 4,4 heures par jour aux activités domestiques et de soins non rémunérées, soit plus du double du temps consacré par les hommes.
Dans ce contexte inégalitaire, la semaine de 4 jours pourrait permettre aux femmes de concilier plus facilement leur vie professionnelle avec d’autres engagements. Une enquête réalisée par Gallup a révélé que 53 % des femmes aux États-Unis estiment qu’elles ne disposent pas de suffisamment de temps pour faire ce qu’elles veulent, contre 42 % des hommes. Une semaine de travail plus courte pour tous·tes pourrait permettre de réduire ainsi la charge mentale et émotionnelle qui pèse souvent sur elles.
Selon l’INSEE, en 2020 le taux d’emploi à temps partiel en France était de 18,4 % pour les hommes et de 31,4 % pour les femmes. Permettre aux femmes de maintenir leur salaire tout en travaillant moins de jours, pourrait contribuer à réduire les inégalités salariales.
5/- Conclusion
Nous savons que nos vies ne se résument pas à nos vies professionnelles. La semaine de 4 jours est un des leviers pour ralentir, pour plus de sobriété et pour mener la transition écologique et sociale.
Motion
Le conseil fédéral des Écologistes :
- Affirme son engagement en faveur de la réduction du temps de travail à 32h hebdomadaires payées 35h par la mise en place de la semaine de 4 jours, modulable en fonction des besoins, des secteurs et des contextes.
Réduire, le temps de travail c’est aussi mieux partager le temps de travail avec la mise en place de politique d’accompagnement à la création de nouveaux emplois. - Rappelle qu’une semaine de travail en 4 jours sans réduction du temps de travail à 32h hebdomadaires n’est pas une avancée suffisante en faveur de la justice sociale et environnementale.
- Appelle le Bureau exécutif à initier une réflexion avec les commissions thématiques, nos élu·e·s écologistes, des expert·e·s, les syndicats et la société civile sur l’impact de cette mesure sur l’emploi, sur notre société et sur notre planète ainsi qu’à étudier les modalités pratiques de mise en œuvre dans les différents secteurs professionnels.
Pour travailler mieux et moins, l’avenir du travail est là et c’est la semaine de 4 jours.