Profits – Pour en finir avec une économie prédatrice qui menace l’humanité, la justice sociale et la planète
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La maximisation constante du profit se fait au préjudice des conditions de vie, de l’équité et de l’environnement

La croissance de la sphère marchande butte sur des obstacles physiques. Cette croissance autorisée par une consommation massive d’énergies non renouvelables provoque des externalités que nous ne savons pas maîtriser : croissance des émissions de Gaz à Effet de Serre et dérèglement climatique, pollution de l’eau et des océans, épuisement des terres et des sols, fragilisation des écosystèmes et effondrement accélérée de la biodiversité. Ce caractère prédateur de nos économies n’est pas exclusivement lié à un mode de production capitaliste, mais il est particulièrement favorisé par ce mode dominant qui cherche à faire tourner l’argent au plus vite. Il génère la surexploitation agricole, l’obsolescence programmée, la course à la consommation et la prédation des ressources naturelles.

Ces constats rejoignent les critiques déjà maintes fois formulées sur l’accumulation de richesses au profit d’une minorité, sur l’explosion des inégalités depuis 30 ans tant entre pays qu’à l’intérieur des chaque pays (note de cadrage « inégalités ») et sur la concentration des pouvoirs par des ensembles financiers occultes, protégés par des trusts et des paradis fiscaux. La machine capitaliste fonctionne sur un moteur : la recherche permanente du profit.

Sans contre-pouvoirs, cette accumulation se fait au préjudice de la condition humaine, de l’équité, de l’environnement, et obscurcit même toute vision ou perspective d’une société résiliente et solidaire. Le « long terme » est abandonné par l’État au nom de sa doctrine libérale, et celui-ci est laissé aux jeux des lobbys de ces firmes transnationales qui contrôlent notre futur.

La période actuelle est précisément caractérisée par une disparition de contre-pouvoirs efficaces à cette logique de l’accumulation privée ; le politique devient impuissant, soit parce qu’il a renoncé sciemment à s’opposer à cette concentration de ces pouvoirs financiers, en partie anonymes, soit parce qu’il les minimise pour ne pas en révéler sa dépendance.

Au niveau de l’entreprise, la rémunération de l’actionnaire est privilégiée au détriment d’un partage plus équitable des richesses de telle sorte que, au cours du temps, le capital s’accroît plus vite que la richesse créée. Le taux de profit devenant supérieur à la croissance économique, les inégalités en faveur des détenteurs du capital s’accroissent. L’argent va à l’argent.

Ce modèle capitaliste a évolué dans un sens encore plus prédateur et avec moins d’équilibre dans le partage des fruits de la croissance depuis les années 1980. L’internationalisation des échanges et les facilités d’usage des transports ont favorisé un gigantesque mouvement de délocalisation des productions vers des pays à main d’œuvre moins chère.

Cette délocalisation de l’ensemble du système de production s’est accompagnée d’une dérégulation bancaire et financière au niveau international. Non seulement tous les contrôles précédents ont été abolis avec la libéralisation progressive des mouvements de capitaux, mais les établissements financiers ont obtenu le droit de baisser le niveau de fonds propres (leurs ressources propres sans les dettes) à moins de 5 % de leurs engagements et de faire exploser la titrisation (pratique financière qui consiste en la transformation de créances ou de prêts en cours en titres financier). La notion de risque bancaire, et la prudence qui lui était liée, a été noyée dans une boîte obscure, à rentabilité inégalée, complètement déconnectée de l’économie réelle avec tous les risques que cela représente (par exemple dans la crise mondiale de 2007-2008).

Le capitalisme s’est ainsi largement financiarisé en mettant en œuvre les 4D : désintermédiation, décloisonnement, déréglementation, et dématérialisation. Cette financiarisation, où les capitaux circulent partout à la vitesse de la lumière et où on peut revendre dans les minutes qui suivent ce que l’on vient d’acheter, a profondément affecté les comportements : une attitude de gestionnaire financier orientée vers le très court terme, étendant à tous les secteurs et au monde entier, l’impératif d’une recherche permanente du profit, devenu l’unique guide de cette économie capitaliste débridée et dérégulée. Le profit qui servait aussi à investir et préparer l’avenir se trouve détourné vers la réalisation de plus-values monétaires à court terme, basées sur des valorisations permanentes et exclusives d’actifs.

Émanciper l’économie des logiques de maximisation des profits

C’est bien l’usage et le contrôle du profit qui est en jeu ; il s’agit de rediriger les profits abandonnés au seul bon vouloir des actionnaires, vers l’investissement de long terme, l’innovation et une autre vision politique. Ceci ne condamne pas toute économie de marché mais pointe la nécessité d’encadrer sévèrement sinon de dépasser le capitalisme.

2.1 De la sobriété : Stopper la surexploitation du sol, le pillage des mers, la destruction de la biodiversité, ou le dérèglement climatique réclame des orientations fortes basées sur de la sobriété qui vont inéluctablement freiner la circulation d’argent au moins dans les pays riches et en particulier chez les riches de ces pays qui sont les plus gros consommateurs. Ainsi la nécessaire diminution des consommations énergétiques ou la restauration de nos terres agricoles, rentre en conflit frontal avec le modèle de croissance de la circulation monétaire. Non seulement chacun prend conscience qu’il n’y aura pas d’avenir écologique par le simple fait d’une croissance plus verte, mais aussi que cette réorientation va réduire les flux nationaux et internationaux d’échange et mouvement de capitaux.

2.2 La nécessaire régulation de l’accumulation financière. Il nous paraît essentiel, à nous écologistes, de bien réaliser que l’existence de ces puissances constitue le principal frein à la transition écologique. Leur dénonciation et leur neutralisation sont aussi importantes que nos efforts pour promouvoir une société solidaire et des consommateurs qui s’échappent de leurs comportements « addictifs ». En aucun cas, nous ne devons sous-estimer ces forces conservatrices (souvent habillées du modernisme du progrès) qui bloquent le débat politique sur la transition écologique. Pollutions ou effets externes sur l’air, l’eau, la mer ou la biodiversité : rien ne sera pris en charge sans une réglementation très contraignante, et cette régulation ne pourra s’imposer qu’en réduisant simultanément le pouvoir de nuisance de ce capital concentré.

Ces forces, souvent plus puissantes que les États, sont capables de bloquer longtemps toute évolution politique. Une réforme efficace du système bancaire ou une politique monétaire ciblée vers la sobriété ou la transition énergétique, nécessite de réfléchir simultanément à la logique de l’accumulation, et à la concentration du pouvoir qui est liée.

On ne pourra se contenter d’une simple réforme des dérives financières du capitalisme néolibéral sans réguler et redistribuer cette accumulation monétaire.

Les écologistes proposent :

On ne peut traiter fiscalement de la même manière le profit « distribué » dans la sphère monétaire et le profit « réinvesti ». La mise en place d’une fiscalité spécifique des dividendes est nécessaire pour lutter contre l’accumulation financière et les dérives qu’elle crée.

On ne peut traiter au même niveau les plus-values à court terme (liées à des recherches de valorisation immédiate) de celles réalisées à long terme. Ces traitements différenciés existent partiellement dans l’immobilier. Il faut l’élargir ce signal à l’ensemble des actions économiques d’échange d’actifs dont en particulier les actifs financiers, sans effet de seuil.

Les écologistes proposent de corriger en permanence les mécanismes qui produisent la concentration des actifs sur moins de 10% de la population mondiale (et de façon encore plus aiguë sur les 1%), sans casser le moteur de l’investissement privé et public. Il ne s’agit pas seulement de traiter de façon plus égalitaire les flux de revenus du travail et du capital ; C’est l’accumulation et la transmission du capital qu’il faut maintenant réguler.

Aucune fiscalité de régulation de l’accumulation n’est compatible avec le maintien de paradis fiscaux. La lutte contre les systèmes opaques d’évasion et de fraudes fiscales permettent aux activités doit être menée sérieusement par les États. Ceci implique d’adopter une liste noire européenne des paradis fiscaux plus crédible et efficace, éloignée des arrangements politiques et diplomatiques qui conduisent à ne pas y inscrire des paradis fiscaux notoires en y intégrant les paradis fiscaux de l’Union européenne.