Banque Publique d’Investissement : les propositions de la Commission Economie
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par Agnès Michel,

 

La commission économie, social et services publics d’EELV suite, notamment, à sa rencontre avec le Collectif pour un pôle public de financement et le Labo de l’ESS, a élaboré les propositions suivantes pour donner à la nouvelle BPI les moyens à la hauteur des enjeux économiques et d’emploi actuels :

AUGMENTER LES FONDS DE LA BPI : Le capital attribué à la BPI (42 milliards d’euros) nous semble bien trop limité par rapport à l’enjeu du financement des PME/TPE créatrices d’emplois verts. Nous souhaitons donc relancer l’idée de flécher l’épargne réglementée (et défiscalisée) la plus importante en France : l’Assurance-vie (qui représente près de 1400 mds). En en fléchant par exemple 3%, la capacité de financement de la BPI serait doublée.

 

FINANCER LES TPE : il n’est pas fait mention des TPE dans les missions de la BPI. Il s’agit d’une erreur stratégique car ce sont notamment les TPE qui connaissent le plus de difficulté à avoir accès au crédit. Relocaliser l’économie passe par le financement et l’accompagnement d’entreprises variées en taille et en activité. Ne cibler que les PME « innovantes » limite l’action publique d’encouragement à la création et au développement d’entreprises sur l’ensemble du territoire.

 

DEFINIR L’INNOVATION : la focalisation de la BPI, comme OSEO auparavant, sur les entreprises « innovantes » ne nous semble pas pertinente. Il faudrait tout d’abord définir ce que l’on entend par là, ainsi que la finalité de l’innovation. La France aime les innovations techniques et technologiques, mais leur utilité sociale et économique devrait être démontrée avant d’accepter de les financer. Il faut s’assurer que les produits correspondent aux besoins de la population. Certaines innovations (techniques moins énergivores dans la production, construction, agriculture, etc) doivent être privilégiées dans l’attribution des -maigres- financements publics. Enfin, est-ce que l’innovation sociale sera financée par la BPI ?

=> les CRITERES DE NOTATION, utilisés pour décider du financement ou pas des entreprises par la BPI, doivent prendre en compte la définition retenue de l’innovation, mais aussi le potentiel de création d’emploi et la localisation de ces emplois (pour avantager les bassins particulièrement touchés par le chômage). Les modèles de notation utilisés par la la BPI pourraient être ceux de a BdF si ces derniers évoluaient pour intégrer des critères sociaux et environnementaux, ce qui favoriserait le financement d’entreprises créatrices d’emplois stables et de modes de production propres.

 

NOMMER UN NOUVEAU MEDIATEUR DU CREDIT : ce poste, mis en place par N. Sarkozy, n’est plus attribué à ce jour, malgré les 250 000 emplois sauvés ou prolongés grâce à l’intervention des équipes dédiées. Une médiation collégiale pourrait être une bonne évolution de cette mission, comprenant le CESER, des représentants des collectivités, de la BdF et de la BPI, des banques privées, et de citoyens.

 

ASSOCIER LA BANQUE DE FRANCE EN REDEFINISSANT SES MISSIONS : OSEO, CDC entreprises et le FSI sont très orientés vers le financement d’un seul type de PME tournée vers l’innovation technologique. Ces trois acteurs n’ont pas ou trop peu d’expertise dans les autres domaines d’activité. Or la relance de l’économie française, et la création d’emplois sur tout le territoire, ne peut se faire uniquement sous le prisme de l’innovation technologique. C’est tout un ensemble de productions locales cohérentes (agroalimentaire, textile, matériaux d’éco-construction, développement du recyclage, etc) qu’il faut réimplanter sur les territoires. La BdF et ses agents territoriaux ont une bonne connaissance des secteurs d’activités et des débouchés locaux ; 230 000 PME et ETI sont aujourd’hui notées par la BdF. Cette expertise est essentielle pour accorder ou non des prêts, et accompagner les entreprises en création ou développement. Fermer la plupart de ses implantations locales entre en totale contradiction avec le besoin crucial de développement d’activités locales.

=> la BdF pourrait mettre ses experts au service de la BPI, en fournissant des analyses de risques comprenant son expertise sectorielle et locale, une fois qu’elle aura intégré des critères sociaux et environnementaux. L’intégration de ces nouveaux critères devra se faire sur la base d’une élaboration commune (collectivités, associations, entreprises) des données à prendre en compte (coût des externalités, soutenabilité environnementale de l’activité, typologie des emplois associés…) ainsi que de le poids de ces indicateurs dans les modèles de calcul du risque.

=> la BdF pourrait également accompagner les régions dans leurs politiques de reconversion et d’emploi (ce qu’elle fait déjà).

 

DEVELOPPER LA TRANSPARENCE : pour assurer que la BPI remplit ses missions de financement des PME/TPE créatrices d’emplois verts durables, le Labo de l’ESS propose de reproduire le système de reporting public mis en place aux USA. Il s’agit de présenter de façon accessible les prêts réellement accordés en listant les entreprises, mais surtout leur localisation géographique (par exemple le 93), l’activité de l’entreprise, les emplois locaux créés, etc. Les éléments présents dans le reporting doivent à la fois permettre de vérifier que la mission de service public a été remplie, et de développer cette transparence pour l’ensemble des prêts réglementés (réalisés par le public comme le privé), par exemple sur la partie du livret A collectée par les banques privées. Les banques privées estiment aujourd’hui qu’un tel reporting serait trop compliqué à mettre en œuvre ; la BPI pourrait donc démontrer le contraire.

 

UNE GOUVERNANCE DECONCENTREE: pour assurer le bon développement économique et en emplois des territoire, il semble essentiel que la BPI ait un modèle décisionnel déconcentré. Si les Régions ont bien été signalées comme un relai clé dans la décision, la réalité de cette gouvernance ne pourra être confirmée que par la précision sur les montants délégués. Par exemple le niveau régional (via le comité d’engagement régional) pourrait avoir une délégation de décision jusqu’à 5 millions d’euros de crédit. Sans un relais local significatif, les TPE/PME locales, sans lien avec un grand groupe, n’auront pratiquement aucune chance d’obtenir les crédits nécessaire pour créer de l’activité, étant donné qu’elles sont déjà victimes d’arbitrages très centralisés de la part des banques privées. L’intérêt d’une banque publique étant de combler les lacunes d’un service privé non rendu, la BPI ne peut pas reproduire le modèle décisionnel de plus en plus concentré et automatisé des banques privées, elle se doit d’être au plus près de l’activité et développer ses expertises humaines (ou les conserver, avec les RH de la BdF).